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Héléna Frere - Reliure contemporaine - Champigneulles (54)
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Reliure bibliophilique - Alma, signé Le Clézio

Reliure décorée autour d’un tirage de luxe, avec sa boîte de conservation
Alma, de JMG Le Clézio, 2018, tirage de tête publié chez Gallimard

Relié en 2023.

 

Note d’intention

Alma, c’est le nom d’une propriété fictive de l’ile Maurice. C’est une ancienne plantation de canne à sucre qui hante le roman, et qui deviendra le prétexte pour traverser l’histoire de l’ile : l’arrivée des colons, l’extinction des dodos, la traite des esclaves, la production de canne à sucre, le marronage mais aussi la fin de l’empire esclavagiste et l’ultra tourisme contemporain.

En représentant les vestiges d’un monde en ruine, le texte met la lumière sur la force de la mémoire. Du domaine, présenté comme une structure érodée, on se demande au cours du récit s’il n’en reste vraiment que le souvenir, et, si ce souvenir n’est pas d’ailleurs une forme de monument en lui-même, qu’on pourrait contempler et toucher du bout des doigts.

 
Vue sur le plat avant de la reliure, dans sa boite à chasses
Vue sur le plat arrière de la reliure dans sa boite à chasses
 

La mémoire, bien que rongée par le déni, effacée par un décor qui fait fantasmer les vacanciers, lutte et ne cède pas son terrain. J’ai noté au cours de ma lecture une tension permanente entre le paysage de carte postale (que les occidentaux assimilent souvent au paradisiaque) et l’horreur de l’esclavage. Le piège pour mon travail aurait été de tomber dans le fétichisme de l’exotisme, d’effacer dans des couleurs d’agence de voyage la sombre histoire de la terre et des hommes.

J’ai travaillé d’abord en ton sur ton, avant d’intégrer d’autres nuances.  La majeure partie de la couvrure et le travail de mosaïques est donc unicolore. J’ai choisi le marron en dominante, le marron du sucre, de la terre et des peaux. Et dans cette étendue marron le bleu s’invite et s’installe : le bleu limpide de la mer, le bleu électrique du ciel et des néons. Un bleu paradisiaque qui ronge l’Histoire, qui veut la dévorer.

Les mosaïques, à bords tantôt bombés, tantôt coupées franches, sont des formes libres dans laquelle sont coupées en partie les lettres composant le titre. Il est coupé franc, lettre à lettre, mais il est seulement à demi lisible, effacé, et déformé. J’ai modifié les caractères typographiques (le Faune d’Alice Savoie) sur logiciel de dessin avant de les imprimer, les décalquer et les couper dans mes pièces de cuir. Dans une tentative non-dissimulée d’être dans la topographie (celle de l’ile ou celles des mornes, au choix), j’ai apporté un soin particulier à ce travail de mosaïque: dans les formes libres bombées sont coupées nettes les lettres, de manière à recomposer le paysage brutalement et artificiellement. Pour apporter une seconde dimension à cette intervention, j’ai imaginé les caractères typographiques tordus, comme déformés au fond de l’eau d’une piscine, noyés.

Dans cette lutte j’ai aussi incrusté des trésors, petites pastilles de nacre entourées de cuir pailleté, car ce sont bien les ressources qui sont à l’origine de toute cette misère. Perverse, la nacre se permet d’ailleurs de transformer toutes les lectures, en apportant de la lumière dans l’obscurité autant qu’en s’effaçant en pleine lumière.

 
Vue sur un détail de la reliure: une pièce mosaïquée avec le titre poussé à l'Oeser dessus
Vue sur une lettre coupée dans la mosaïque bombée
 

Le récit est ancré dans le présent. Il fouille dans le passé par l’intermédiaire de deux personnages opposés, aux histoires pourtant mêlées :

  • Fersen, le descendant des propriétaires esclavagistes de la plantation, entame un voyage sur l’ile pour rencontrer son histoire, et remonte le fil de la généalogie locale en de multiples rencontres.

  • Dodo, natif de l’île et descendant d’esclave, dont le nom trahit déjà le destin narratif, dépossédé jusque de ses paupières, vagabonde et divague dans l’île sans reconnaître son espace.

Si le premier semble représenter le Présent qui tournerait le regard vers le passé, et le second le Passé qui s’éternise dans le présent, les deux portent sur le domaine, et par extension sur l’île, un regard qui sert de cadre au lecteur. Ces deux regards portés sur le même monde sont matérialisés dans mon travail par deux plats aux compositions similaires. La forme circulaire, qui sertit les compositions, insiste sur cette idée : le cercle est autant loupe que mappemonde.

 

Technique

Il s’agit d’une reliure montée sur 5 ficelles façonnée selon l’assemblage classique: passure en carton et tranchefile brodée de soie.

La couvrure est réalisée en plusieurs fois, couleur par couleur. Le livre a d’abord été couvert de peau marron prédécoupée, puis les éléments en peau bleue à grain caviar ont été découpés depuis le tracé existant sur le livre avant d’être collés sur la reliure. Les gardes dites “bords à bords”, sont réalisées en cuir bleu à grain caviar. Elles rejoignent le bord des plats et couvrent les mors intégralement en rejoignant les tranchefiles. La garde volante est en chèvre velours de teinte proche de la peau de couvrure. Le contact du contreplat au grain caviar et de la garde volante trace une empreinte sur la peau velours.

Les volumes sont réalisés en mosaïques de cuir en relief, c’est à dire des morceaux de cuir intégrés par dessus la couvrure. Les bords en sont bombés ou francs. La mosaïque bombée est biseautée depuis l’envers de manière à épouser au collage la fleur du cuir de couvrure. La mosaïque franche est, elle, coupé nette puis les bords sont sécurisés à l’aide de colle avant d’être colorés à la peinture.

 
Vue sur les chants des mosaïques bombées et à bords francs et peint en bleu, ainsi que sur les pastilles de nacre incrustées
Vue rasante sur la composition du plat avant
 

Des petites pastilles de nacre on été incrustés dans la couvrure. La couvrure a été découpée à l’emporte-pièce de manière à laisser suffisamment de profondeur à ces pastilles assez épaisses. Des éléments en cuir bleu pailleté ont été installés autour des pastilles afin de les maintenir dans leur emplacement.

Le titre du livre a été découpé dans les pièces mosaïquées, et le nom de l’auteur, ainsi que la date d’impression de l’exemplaire relié ont été poussés à l’Oeser bleu par Geneviève Quarré de Boiry selon le tracé de ma maquette.

Une boîte à chasses classique en toile et peau velours protège le livre. Elle est titrée à l’aide d’une pièce de titre en cuir marron et poussée à l’Oeser bleu par Geneviève Quarré de Boiry.

 
Vue sur la garde de contreplat en cuir et sur ma signature au film Oeser brun
Vue sur la pièce de titre collée sur le dos de la boite
 

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tags: Typographie, Le Clézio, Mosaïque de cuir, Reliure nouvelle, Reliure d'art
categories: Créations, Reliure nouvelle
Wednesday 05.28.25
Posted by Héléna Frere
 

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